Dans l’industrie haute température, on relève principalement 3 erreurs d’installation qui ruinent un isolant fibreux : trop de compression, l’apparition de ponts thermiques et des fixations inadaptées. Pour le calorifugeage ou l’isolation haute température de tuyauteries et d’équipements, une pose défaillante augmente la conductivité thermique λ, crée des points chauds et tire vers le bas la résistance thermique des matériaux, diminuant fortement le rendement de votre installation. Ce guide vous montre comment diagnostiquer ces défauts à la pose de l’isolant fibreux, les corriger et préserver la performance, la sécurité et diminuer les coûts énergétiques de votre installation.
Erreur n° 1 : la compression excessive de l’isolant fibreux
Ce qui se passe physiquement pour l’isolant haute température
La performance d’un isolant fibreux tient à sa « porosité utile » : les fibres piègent l’air à l’intérieur du textile, ce qui augmente sa capacité d’isolation. Couplée à une conduction thermique faible du matériau, cette propriété permet d’avoir des isolants thermiques performants.
En effet, l’air, avec une conductivité thermique de 0,025 W/m.K est un excellent isolant, bien meilleur que la fibre de verre (0,09 W/m.K ou les fibres céramiques réfractaires (0,2 - 0,4 W/m.K).
Une compression exagérée d’un isolant fibreux haute température (contraintes mécaniques trop élevées) réduit la quantité d’air emprisonnée dans le textile. Cela multiplie les contacts fibre-fibre (conduction solide).
Finalement, la conductivité thermique λ augmente et la résistance thermique R du matériau diminue : l’isolant devient moins performant, ce qui diminue le rendement de votre installation, augmente les dépenses énergétiques (et donc les coûts associés) et augmente les problèmes de sécurité..
Comment cela se traduit-il sur votre installation ?
Sur une ligne de process chaude (four, réseaux vapeur, conduites d’air de combustion, collecteurs, hot end…), la compression apparaît souvent au moment de refermer l’habillage métallique, c’est-à-dire la tôle d’habillage qui protège l’isolant contre les chocs et l’environnement, ou de fermer/maintenir une isolation confectionnée.
Dans ce dernier cas, un cerclage inox trop tendu, ou un support de tuyauterie sans insert rigide (quand il en faut) compressent localement la nappe fibreuse.
À ces endroits, la conductivité équivalente λ augmente et l’épaisseur utile diminue : on observe alors des points chauds en surface et des pertes supérieures aux calculs qui peuvent être intégrés dans le cahier des charges.
Exemple chiffré d’une compression excessive d’un isolant fibreux
Prenons un feutre biosoluble d’épaisseur 25 mm utilisé sur une ligne de process avec une température moyenne 650 °C. À ce point de service, les fiches techniques donnent typiquement λ ≈ 0,22 W/m·K. La résistance thermique de référence vaut donc :
- R_théorique = e/λ = 0,025/0,22 ≈ 0,11 m²·K/W
Imaginons maintenant que le feutre soit compressée de 20 % (l’épaisseur utile passe de 25 à 20 mm) et que cette densification majore λ de 30 % (de 0,22 à 0,286 W/m·K). Toujours avec la relation normalisée R = e/λ :
- R_compressé = 0,020/0,286 ≈ 0,7 m²·K/W
La perte de performance de l’isolant sera donc d’environ 64 %, d’où l’importance de préserver l’épaisseur utile de la solution d’isolation.
Diagnostiquer et corriger un problème de compression
Lors de l’installation, il est nécessaire de vérifier constamment que le serrage est bon et réaliser la pose selon le cahier des charges et les normes en vigueur.
Pour inspection, commencez par des relevés d’épaisseur aux zones sensibles (coudes, supports, raccords de brides) puis confirmez à chaud par thermographie infrarouge lorsque la température est stabilisée : les ΔT anormaux trahissent les compressions, l’usure et les ponts thermiques.
En cas d’erreur relevée, si vous le pouvez, desserrez les brides de serrage et serflex métalliques ou changez-les. Sinon, il faudra certainement revoir l’installation complète.
Erreur n° 2 : les ponts thermiques aux chevauchements, points singuliers et supports
Où apparaissent les ponts thermiques… et pourquoi ils ruinent la performance des installations
Un pont thermique naît dès qu’une discontinuité d’isolant crée un chemin préférentiel pour la chaleur. Cela peut se traduire par :
- un chevauchement mal réalisé,
- des jonctions alignées d’une couche à l’autre,
- des brides et robinets non traités comme des accessoires à part entière,
- des supports de tuyauterie sans insert isolant,
- ou encore un problème de pénétrations (piquages, sondes).
En pratique, si vos recouvrements ne sont pas étanches et décalés d’une couche à l’autre (on parle d’une pause en quinconce des couches), vous « court-circuitez » une partie de la résistance thermique R calculée, avec à la clé des points chauds en surface et donc une surconsommation.
Ce que disent les textes pour les joints, accessoires et supports
Certaines documentations vous aident à y voir plus clair sur la façon de poser ces isolants ou d’inclure les pertes thermiques dans les calculs :
- Pour les joints et les chevauchements : l’ISO 12241 donne des méthodes pour calculer les « propriétés relatives au transfert de chaleur » pour l’isolation thermique des équipements de bâtiments et les installations industrielles, en tenant compte du traitement des ponts thermiques.
- Pour les accessoires (brides, vannes) : la norme allemande VDI 2055 fournit une méthode pour déterminer les pertes thermiques totales lors de l’isolation des installations chauffées et réfrigérées.
- Pour les supports : les guides de pose insistent sur la continuité de l’isolant à travers
- le support.
Détails de mise en œuvre pour éviter les ponts thermiques

Lors de l’installation, trois précautions font la différence :
- Décalez systématiquement les joints entre les couches et assurez un chevauchement continu (sans interstice).
- Isolez les points singuliers (brides, robinets, piquages) avec des pièces formées ou des housses dédiées, en respectant la continuité thermique jusqu’au raccord.
- Isolez les supports : poser un insert isolant sous chaque support et continuer l’isolant de part et d’autre, puis refermer l’habillage métallique de façon étanche.
Pour choisir la matière adaptée (verre E, silice, biosoluble…) selon la température de service, vous pouvez vous reporter à notre comparatif des fibres haute température.
Erreur n° 3 : les scellements et fixations inadaptés
Les problèmes de scellement et de fixation des isolants fibreux dans le contexte industriel
Sur une conduite chaude habillée d’un revêtement métallique pour protéger l’isolant fibreux, chaque fixation traversante (rivet, vis, tige) crée un pont thermique direct entre la tôle extérieure et la paroi chaude.
Ce chemin métallique court-circuite l’isolation et tasse localement la nappe, d’où une hausse de la température de peau et des pertes.
Dès qu’un perçage n’est pas parfaitement étanché ou qu’un recouvrement de tôle est mal orienté/fermé, l’eau pénètre et s’accumule : avec les cycles de marche/arrêt, vous avez le cocktail idéal pour la CUI (corrosion sous isolation).
Sur les lignes où de la vapeur est présente, les réseaux d’air de combustion ou les collecteurs de fours (verrerie, métallurgie, aluminium), ce couple points chauds + humidité piégée dégrade à la fois l’efficacité énergétique et la durabilité de l’isolant et des équipements.
Conception & pose : rendre l’isolation étanche, continue et contrôlable
Dès l’étude, limitez le nombre de fixations traversantes et regroupez-les là où la tenue mécanique l’exige, au lieu de les éparpiller.
À la pose, privilégiez des fermetures continues de la solution d’isolation (sertissage ou ourlet, mastic compatible avec la température et le milieu…).
Orientez et dimensionnez les recouvrements de tôle pour évacuer l’eau et traitez les zones d’appui : sous les colliers et les supports, interposez un insert isolant rigide afin d’éviter la conduction locale et le tassement de l’isolant fibreux. Sur les brides, vannes et piquages, utilisez des pièces formées ou des solutions confectionnées (des housses par exemple) pour conserver la continuité thermique et l’étanchéité jusqu’au raccord.
Contrôle et maintenance de l’isolant fibreux au niveau des inserts
À la réception, contrôlez visuellement la continuité des joints, l’étanchéité des arêtes et l’absence de perçages non obturés.
En exploitation, comme pour les autres erreurs, programmez une thermographie infrarouge périodique : elle localise immédiatement les pics de température au droit des fixations, des supports et des points bas où l’eau peut s’accumuler.
Sur les tronçons à risque, prévoyez des ouvertures ciblées et remontables (boîtes, trappes) pour vérifier l’état de l’isolant et du métal de base.
Conclusion
Bien posé, un isolant fibreux tient ses promesses ; mal posé, il peut coûter cher. Les trois fautes majeures sont connues :
- une compression trop importante (λ ↑, R ↓),
- des ponts thermiques aux chevauchements
- des fixations/scellements défaillants qui créent des points chauds.
Un bon installateur doit être en mesure d’éviter ces erreurs, cependant il vous est possible de vérifier l’état de l’isolation à tout moment avec les outils adaptés et un process de maintenance clair et défini. Être proactif dans l’évaluation des défauts d’isolation limitera les coûts, mais vous permettra aussi de limiter le risque d’arrêt de vos fours et lignes de production.
